Wifredo Lam - Le peintre métis par excellence

Wifredo Lam (1902-1982), peintre cubain est né le 8 décembre 1902 d’un père chinois et d’une mère mulâtre à Sagua la Grande (blasian comme les parents du milliardaire jamaïcain Michael Lee-Chin, l'actrice Rae Dawn Chong, Amerie ou les mères de Kelis et de Sean Paul), il est reconnu comme le précurseur d'une peinture du métissage issue de la mémoire et de l'esthétique des cultures africaines, européennes et américaines.
Ci-dessus : Zambezia (1938)

Après avoir fréquenté l’école des beaux arts de La Havane il part vivre en Espagne, en Europe il fera des rencontres décisives :


  • En 1938, il rencontre Pablo Picasso qui lui présente tous ses amis (Joan Miró, Fernand Léger, Henri Matisse, Paul Eluard, Georges Braque…).

  • En 1940, André Breton lui propose d'illustrer son livre « Fata morgana ».

  • En 1941, il fait la connaissance d’Aimé Césaire.

Après être retourné à Cuba via un détour par la Martinique, il s’installe définitivement à Paris, il y meurt à l’âge de 80 ans, le 11 septembre 1982.

Venu vers l'art moderne par un long séjour en Espagne et ses rencontres à Paris avec notamment Picasso, Breton, Leiris et Pierre Loeb, Wifredo Lam gardera l'imaginaire imprégné par les œuvres des grands maîtres de la peinture espagnole (Velázquez et Goya), ainsi que par celles de Bosch et de Bruegel l'Ancien, qui l'interpellent profondément.

Pour bien caractériser le côté métis de Wifredo Lam et de son oeuvre, ci-dessous un extrait d’un hommage de l’écrivain Haïtien Jean Métellus à Wifredo Lam (paru dans le premier numéro de la revue parisienne Confluences Poétiques) :

Métis, Wifredo Lam l'est d'exemplaire façon. Fils d'un commerçant chinois originaire de Canton et d'une mulâtresse quelque peu indienne, Wifredo, dès sa naissance en 1902 à Cuba, est placé au carrefour de quatre mondes : l'Asie, l'Afrique, l'Europe et l'Amérique.
Le métissage constitue une rencontre non seulement conviviale mais amoureuse et harmonieuse donc dépourvue de tension, il apporte l'envie d'appréhender, de comprendre, implique non pas l'idée de domination mais celle de fusion avant et après la conquête de l'autre.

De même qu'on ne peut se familiariser avec une langue étrangère qu'en l'aimant de toutes ses forces, de même on ne peut se familiariser avec un art, une conception, une vision du monde qu'en l'appréciant, en l'aimant. Encore faut-il une certaine disposition de l'esprit pour que l'opération fusionnelle réussisse. Mais le métissage ne se limite pas à une simple juxtaposition qui ferait du métis, deux êtres dans une même enveloppe charnelle. "Et vous savez le reste / Que 2 et 2 font 5" [1]. Le métissage biologique crée chaque fois un être unique, comme est unique le métissage de deux conceptions artistiques d'origine et d'horizon différents, mais à la base de l'un ou l'autre métissage, on retrouve toujours l'amour. Le produit du métissage se révèle donc ouvert à des mondes, à des appels, à des formes de vie auxquelles ses géniteurs n'avaient pas accès. Le métissage produit un homme nouveau, un art nouveau.


Le métissage - non pas un métissage extérieur, visible et quantifiable, mais un métissage intérieur, inscrit dans la conscience de l'homme, sensible aux influences secrètes des composantes du mélange, à leurs vibrations — fonde l'évolution de l'individu. Le métissage libère l'homme des limitations de chacune de ses origines, car il sasse et ressasse les torsions et distorsions de chacune des parties, défriche le terrain sur lequel le métis est appelé à se mouvoir, à agir, à penser, à sentir et à vivre. C'est en cela que le métissage se trouve à l'origine d'une entité nouvelle.

(…)

Alors que ses parents le poussent à étudier le droit, Wifredo Lam, décide vers l'âge de 20 ans de se lancer dans l'inconnu pour devenir un artiste-peintre bien qu'aucune tradition picturale, familiale ou nationale, ne l'y prédispose : la pratique des arts plastiques à Cuba récemment sortie du joug espagnol mais qui vit encore à la mode de l'ancien colonisateur, est quasi-inexistante ; dans les Caraïbes, seule Haïti possède une créativité picturale déjà riche et prometteuse. Une telle disette au départ ne peut pas laisser imaginer l'explosion artistique qui couve dans le cerveau et le coeur de ce jeune homme qui débarque à Madrid, après un premier apprentissage à l'Académie San Alejandra de La Havane.

(…)

Sans doute Lam pourrait-il prendre à son compte ces mots de François Jacob "Je porte ainsi en moi, sculptée depuis l'enfance, une sorte de statue intérieure qui donne une continuité à ma vie, qui est la part la plus intime, le noyau le plus dur de mon caractère... Des rythmes qui se bousculent. Des terreurs évoquées par ce qui est toute douceur..."[4] ; c'est ça le métissage chez Lam, simplement la vie et le rêve.

Jean Métellus

[1] Aimé Césaire. Cahier d'un retour au pays natal. Paris. Présence Africaine. 1956. p. 48.
[4] François Jacob. La Statue Intérieure. Paris. Editions Odile Jacob. 1987. p. 24

Les sources des citations et de l'oeuvre proposées ci-dessus sont :

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